- Paru dans la revue Somato n° 31 - Juillet 2015 -
Mélanie Loisel est journaliste dans plusieurs médias canadiens. Soixante ans séparent cette jeune femme de Martin Gray âgé, aujourd’hui, de quatre-vingt-douze ans. Que ne sait-on pas de cet homme, l’un des derniers survivants de l’holocauste, qui n’ait pas été dit ou écrit !
Dans ce livre, Mélanie Loisel revient cependant sur le passé de cet homme. Elle s’interroge : comment se reconstruit-on après avoir survécu à une organisation machiavélique qui a permis à l’Allemagne nazie de gazer et de tuer six millions de juifs ? Comment se reconstruit-on lorsque, après avoir survécu au ghetto de Varsovie et après avoir perdu cent dix membres de sa famille le sort s’acharne, à nouveau, sur Martin Gray en 1970 quand sa femme et ses quatre enfants périront dans un immense incendie de forêt ?
On peut comprendre le besoin irrésistible de cette jeune journaliste de contacter cet homme au parcours hors du commun afin de lui parler de son projet, celui de l’interviewer.
Tout au long de cette interview, Martin Gray lui fera part de son expérience, de ses blessures, de ses chagrins mais aussi - et surtout - des enseignements positifs qu’il a su cultiver, au fil de sa vie, envers et contre tout. Egalement, de son appétit de vivre incroyable. Un homme, dit-il, qui regarde en arrière est un homme mort. Puis, il poursuit : « J’ai donc décidé de prendre mon destin en main et d’avancer ».
De très nombreux thèmes sont abordés dans ce livre : la vie et la mort, la souffrance et la guérison. Mais, également, des thèmes surprenants comme, par exemple, celui de la chirurgie esthétique qui fait dire à Martin Gray qu’on ne doit pas « effacer » les traces de notre vie ! Ou encore, celui de la surcharge pondérale dont il souffrait à l’âge de trente ans et qui lui a fait prendre conscience qu’il devait avoir une alimentation plus équilibrée s’il voulait rester en bonne santé. Le résultat ne s’est pas fait attendre. En ayant adopté une bonne hygiène de vie, cet homme n’a plus eu recours à la médecine chimique et, en plus de cinquante ans, n’a plus jamais attrapé un rhume ! Il égratigne, au passage, les grands trusts pharmaceutiques et nous rappelle cette expression bien connue : « Tu es ce que tu manges ». Il parle également de la situation difficile et dramatique de certains demandeurs d’emploi car, dit-il, s’il est vrai que la Société est responsable, en grande partie, du chômage, le sort du demandeur d’emploi est lié à la connaissance qu’il a de lui-même. La confiance qu’il a ou n’a pas en lui, lui fera soit surmonter cette épreuve, soit s’enfoncer encore davantage. C’est la raison pour laquelle Martin Gray suggère d’oser franchir les murailles et d’aller vers les autres.
Lui qui a connu la violence poussée à l’extrême, lui qui a été désigné comme un être inférieur, lui qui a dû porter l’étoile jaune, il met en garde notre Société contre le racisme. Il exprime même de la colère vis-à-vis des fanatiques religieux qui donnent une idée fausse de leurs religions, quelles qu’elles soient. Il ajoute cette citation de ce dramaturge allemand, Bertolt Brecht : « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». Cependant, s’il craint la bêtise humaine qui amène les guerres, l’exploitation de l’homme par l’homme, il n’hésite pas à dire qu’il a aujourd’hui le sentiment d’être en harmonie avec lui-même.
Martin Gray, comme je le disais précédemment, est âgé de quatre-vingt-douze ans et, malgré tout, il a encore des projets dont un, plus particulièrement, qui lui tient à cœur et qu’il aimerait voir se réaliser avant sa mort. Ce projet consiste à créer rapidement un grand Conseil des sages chargé de prendre en considération les intérêts de l’humanité. Il a déjà constitué un dossier de quatre cents pages et il a contacté des « Prix Nobel » qui se sont dits prêts à y participer. Souhaitons que ce projet voie le jour dans un avenir proche.
Ce livre est une véritable bouffée d’oxygène pour tous, les jeunes et les moins jeunes. Je termine par cette citation de Martin Gray : « Il n’y a pas d’évènement qui soit vain dans une vie. Pas de jour, pas d’épreuve qui soient inutiles. A condition qu’on ne les contemple pas, mais qu’on se serve d’eux comme d’un appui pour aller plus de l’avant. »
Merci Monsieur Gray pour cette merveilleuse leçon de vie, d’humanité et d’humilité !
Chantal Vincent.